Le voile de Laurence Ferrari en Iran, symbole d'une démission républicaine

Publié le par Républicain et Gaulliste

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Pour obtenir l'interview du président iranien, Laurence Ferrari s'est pliée aux règles du pays en portant le voile. Mais était-elle obligée de le faire? Et si oui, fallait-il alors quand même interviewer Ahmadinejad? Philippe Bilger en doute.



Capture d'écran - dailymotion
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Laurence Ferrari est allée interviewer Ahmadinejad en Iran. Elle portait un voile parce que, nous a-t-on dit, le voile pour les femmes constitue dans ce pays une obligation légale. Pas de souci donc : on y va, on respecte leur loi et on revient. Le tour est joué. TF1 a gagné. Il n’y a aucun problème (lepoint.fr sous l’excellente signature d’Emmanuel Berretta, Le Post).

Mais quelle étrange béatitude fait que les médias en général et TF1 en particulier répugnent à se poser les questions de fond, à accepter de passer leurs interventions au crible de l’éthique et à s’abstenir quand la cause est douteuse ?

Ce n’est pas qu’il convenait absolument d’interdire à Laurence Ferrari de se rendre en Iran pour un entretien qui n’a duré que huit minutes. Ce qu’on aurait souhaité de la part d’une chaîne aussi prestigieuse, qui longtemps a diffusé le journal du soir le plus regardé en Europe, c’est moins de mimétisme et plus de scrupule. On nous assène que Laurence Ferrari s’est pliée aux règles imposées à toutes les femmes en Iran. Elle les respecte, déclare la présentatrice (jdd.fr). Mais était-il indécent de se demander, avant, si une journaliste française représentant, qu’elle le veuille ou non, un peu de notre démocratie avait bien sa place, ainsi attifée, dans un tel échange ? Etait-il fatal qu’elle doive assumer le port du voile ? Et si c’était vraiment la condition obligatoire pour obtenir l’entretien, pourquoi TF1 a-t-il obtempéré ?

Je ne crois pas que se référer à des exemples antérieurs, où deux journalistes s’étaient voilées de la même manière pour complaire et avoir le droit d’être présentes, soit un argument décisif. Christiane Amanpour, pour CNN, et Marine Jacquemin, pour TF1 déjà, avaient sans barguigner adhéré à l’exercice, selon Catherine Nayl, directrice de l’info du Groupe TF1. Et alors ? Avec cette justification, on risque de valider beaucoup de comportements discutables. J’ajoute qu’on ne saurait pour Ahmadinejad invoquer une quelconque urgence ou la pression de la concurrence qui trop souvent servent à légitimer des procédés que les responsables médiatiques savent regrettables. Il aurait pu attendre et la France, avec TF1, n’en aurait pas été appauvrie.


Capture d'écran - Dailymotion
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Surtout - et c’est l’essentiel- en face de cette démission républicaine et en quelque sorte humaniste, quel a été le résultat ? Une prestation honteuse du président iranien affirmant que son pays était exemplaire pour les droits de l’homme et que les manifestations récentes avaient été réprimées comme il convenait dans un Etat de droit. Toutes les questions ont pu être posées, nous n’avons cédé sur rien, s’insurge Laurence Ferrari. Mais le grand art des dictatures, c’est de laisser poser toutes les questions et de ne répondre que ce qu’elles veulent. Et parfois de l’inepte et de l’inqualifiable qui, grâce à TF1, ont eu droit de cité médiatique en France. Sans dramatiser, un peu d’abaissement de la France là-bas, Ahmadinejad à l’honneur chez nous. Ce n’est plus de l’information mais de la corrosion.

Une ministre suisse des Affaires étrangères s’était elle aussi voilée en Iran pour sa rencontre avec le même président. Tollé dans la Confédération helvétique. Il lui avait été reproché d’être « une femme soumise », de « se couvrir de ridicule » . Elle avait justifié son attitude en invoquant le respect pour son hôte (Le Figaro).
 
Fallait-il, faut-il respecter Ahmadinejad ? Peut-on considérer celui-ci en le désincarnant en quelque sorte ? En l’extrayant, comme une essence pure, de ses propos, de ses comportements, de ses provocations, de ses mensonges, des morts et des malheurs dont il a été le responsable et de la chape de plomb qu’il maintient sur ce merveilleux peuple ? Je suis persuadé qu’il n’a pas douté, lui, que cette visite professionnelle, avec ce voile obligatoire et accepté par une Française, était déjà sa victoire à lui.

Qu’on ne s’y trompe pas. Aujourd’hui, on obéit à la dictature des apparences parce que l’Iran l’exige et qu’on tient à un entretien qui ne servira qu’à la seule gloire nauséabonde de celui qui tire les ficelles. Demain, on dictera le contenu ?


Publié dans Actualité nationale

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