Pourquoi la Guadeloupe explose

Publié le par arrasmrc



29e jour de conflit et premier mort à Pointe-à-Pitre. Nos Observateurs, deux Guadeloupéens vivant en métropole, tentent de nous expliquer la crise.



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Photo publiée sur le site collaboratif "Fwiyapin".

 

 


"En Guadeloupe (…) c’est magouilles et corruption"
Claude Lamaille, 53 ans, est employé de la Sécurité sociale, à Paris. Il a quitté la Guadeloupe à 17 ans, mais il retourne régulièrement sur l'île voir sa famille.




 Je me sens complètement solidaire du mouvement social en Guadeloupe. Les gens veulent juste manger, ils en ont marre de galérer pour trouver un travail. Mon frère, par exemple, avait un petit restaurant sur l'îlet du Gosier. Et bien, le préfet et le maire ont réussi à faire fermer son établissement. Ils ont prétexté qu'il n'avait pas l'eau courante, mais en réalité c'est certainement parce que des "gros bonnets" voulaient faire du business à cet endroit. En Guadeloupe, ça se passe comme ça : c'est magouilles et corruption. Et il y a des gens qui profitent du système. Par exemple, des types montent des entreprises, reçoivent une aide de l'ANPE, mais ne paient jamais les salaires de leurs ouvriers, qu'ils finissent par mettre à la porte sans les payer. Les profiteurs se trouvent des deux côtés : noirs et békés. Il est vrai qu'il existe un certain racisme entre les deux communautés. Imaginez que des descendants d'Hitler soient encore aujourd'hui les plus gros propriétaires en Allemagne ! Car c'est la même chose, les békés sont des descendants d'esclavagistes qui ont bâti leur fortune en faisant couler notre sang. Pourtant, je veux être très clair, ce racisme n'est pas le fondement du conflit actuel. C'est une révolte de la misère. Je ne comprends pas, d'ailleurs, pourquoi cela n'a pas éclaté avant."
"Cette grève dure depuis trop longtemps et il faut impérativement qu’elle s’arrête pour sauver l’économie de l’île"
Daniel Mugerin, 35 ans, d'origine guadeloupéenne et martiniquaise, est avocat et maître de conférence à Science Po. Il se rend régulièrement en Guadeloupe pour plaider.



 Tous les citoyens français devraient se sentir concernés par ce qui se passe là-bas. Les gens protestent d'abord parce que la vie est trop chère sur l'île. Pourquoi les prix sont-ils aussi élevés ? D'abord à cause du manque de concurrence. De grandes entreprises, la plupart tenues par des békés, sont en situation de monopole et imposent leurs prix. Il existe depuis longtemps des recours contre ces monopoles, mais ils n'ont pas été actionnés. L'autorité française de la concurrence, qui existe depuis 1986, vient tout juste d'être saisie du problème ! Bruxelles aussi aurait pu être saisie, mais rien n'a été fait.

Outre la vie chère, le problème c'est le marché de l'emploi aux Antilles. Le chômage est énorme et les Antillais n'ont, de fait, pas les même droits que les Métropolitains. Par exemple, si l'on se fait licencier de manière abusive, il faut attendre six ans en moyenne pour que le cas soit jugé en première instance, aux prudhommes. Il y a certes un manque de moyens pour la justice, mais cela n'est sûrement pas la seule raison.

Cette grève dure depuis trop longtemps et il faut impérativement qu'elle s'arrête pour sauver l'économie de l'île. Mais le dialogue social n'est pas facile. Comme en France, les partenaires sociaux sont davantage portés à la grève qu'au dialogue. Mais en plus, dans les îles, le patronat est majoritairement composé de békés. Et les békés n'ont pas vraiment été habitués à dialoguer."

 

 

Par http://observers.france24.com/fr/

Publié dans Actualité nationale

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